Une bière chasserait-elle une autre ?

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[infobox type=’info’ title=’Note:’] Le présent article n’engage que l’auteur et n’exprime pas le point de vue de Parlons Affaires.[/infobox]

Depuis quelque mois, cette européenne se lance dans une publicité agressive au niveau de la région métropolitaine pour encourager la consommation de sa bière. Je l’ai remarqué pour la première fois lorsqu’un ami en reçut une gratuite après l’achat d’un hamburger à Epi d’Or. La seconde fois, c’était lors de la finale de la ligue des champions. Elle a fait à la chaîne 22 (Télé Caraïbes) ce que l’attaquant hollandais, Arjen Robben, a fait au club rival, le Borussia Dortmund : elle l’a tout simplement « assiégé ». Et depuis lors, les promotions se multiplient dans les maisons de restaurations ou dans les événements festifs. A Muncheez situé à Bois Verna, tous les jeudis et vendredi, si on en achète trois, la quatrième est gratuite. Au Restaurant Kokoye, les samedi, on en offre deux à l’achat d’une pizza médium. Dans certains supermarchés, les distributeurs automatiques verts remplacent les blondes. Je suis de ceux qui arrosent gaiement d’eau de vie certaines soirées et mes weekends et je dois avouer que durant plus d’une semaine, j’ai bénéficié des largesses de cette bière aux couleurs de l’espoir. Du même coup, j’observais que l’attention portée à une bière décroissait au fur et à mesure que celle portée à une autre augmentait et cheminant dans mes réflexions, je me suis rappelé de l’acquisition d’une compagnie verte par une compagnie rouge l’an dernier, tous les deux évoluant dans le même business. A la fin, l’un a phagocyté l’autre. Serait-il possible que le même schéma se reproduise entre ces deux brasseries ? Prestige va-t-elle disparaitre ? On peut envisager l’avenir à partir de deux scénarios :

Heineken garde Prestige et segmente son marché

La compagnie Heineken est le troisième plus grand brasseur au monde avec ses 125 brasseries réparties dans plus de 70 pays. Elle brasse et vend plus de 170 bières régionales, locales et internationales. Vu sous cet angle, Prestige peut certainement rester sur le marché. D’ailleurs, bien avant l’acquisition de BRANA par le brasseur européen, Guinness se vendait tout aussi bien par la même brasserie. Par ailleurs, la bière haïtienne détient d’autres atouts pour justifier son importance sur le marché. En 2012, Prestige remportait la médaille d’or dans la catégorie « American-Style Cream Ale or Lager » et bien avant ça, en 2000 : des distinctions qui confirment une qualité supérieure de la bière Prestige. Peut-on retirer du marché une bière qui a remporté deux médailles d’or ? Le bon sens dira certainement pas. Et encore, Prestige devient une icône dans le vécu haïtien. A la mer, dans les rencontres entre amis, en soirée et en weekend, pendant le carnaval, la bière Prestige devient incontournable. Déjà, son slogan « Kenbe Prestige ou » impose un style de vie particulier, affirme cette faculté à créer du bonheur et fait de la marque un outil social puissant. Peu de produits du terroir ont la faculté d’apporter cette sensation et de créer cette fierté de pouvoir franchir aisément les barrières locales. La popularité de Prestige à l’extérieur est croissante et avec l’appui marketing d’un géant comme Heineken, elle peut facilement gagner d’autres marchés.

Le marché haïtien aura donc trois bières principales (Prestige, Heineken, Guinness) et d’autres bières importées (Presidente, Miller Lite, Amsterdam, Bavaria, Coors etc.) ; chacun, pour une clientèle bien spécifique.

 

Heineken efface Prestige du marché

Dans le second scénario, Heineken n’aurait pas de grands soucis à ne plus commercialiser Prestige. En supposant que pour réduire ses coûts, Heineken déciderait de brasser sa bière par ici, cela engagerait d’autres coûts pour continuer à produire Prestige. En voulant garder deux bières sur le marché avec le même aura : Prestige, fierté locale et Heineken, une référence internationale, la compagnie devra forcément pousser un produit en avant et dès lors, le cannibalisme commencerait. Vu qu’en général, nous sommes des early adopters et que l’effet de snobisme peut au départ pousser certains à consommer du Heineken, Prestige peut bien disparaitre dans ce scénario. Son retrait se fera en douceur avec la bouteille verte qui, à travers une stratégie de push qui semble déjà avoir commencé, se substituerait à la bouteille marron. De plus, en analysant le marketing stratégique de la brasserie Heineken, certains spécialistes remarquent qu’elle s’intéresse à tous les consommateurs adultes, donc un segment de marché très large. Plus il y a de mains à tenir leur produit, plus ils sont satisfaits. C’est là le rêve de toute multinationale. Vu sous cet angle, la bière Heineken va vite conquérir le marché haïtien.

D’un regard à un autre, Heineken reste gagnant dans l’équation ainsi que les amateurs de spiritueux, bien entendu. Peu importe l’issue, nous finirons tous une bouteille de bière en main les weekend.