Voyager pour le plaisir peut sous-entendre voyager pour le sexe. Depuis quelques années, le tourisme sexuel se trouve en plein essor et ceci, grâce à des agences spécialisées qui apportent leur support aux voyageurs désireux de concrétiser des fantasmes qu’ils n’oseraient exprimer dans leur pays de résidence. Comprenant que ce marché pouvait être rentable, plusieurs pays font du sexe l’élément principal pour le développement de leur industrie touristique et par incidence, de leur économie. Que ce soit en Asie, en Europe de l’Est, en Afrique du Nord ou en Afrique Subsaharienne, le tourisme sexuel représente 2 à 14 % du PIB des pays les plus actifs comme la Thaïlande, l’Indonésie, les Philippines, le Kenya, la Colombie, et l’Allemagne. Les nombreuses campagnes médiatiques de sensibilisation contre le tourisme sexuel ne semblent pas ralentir l’évolution de ce phénomène. Bien au contraire, cette pratique s’élargit et se diversifie de plus en plus. Le taux de tourisme sexuel croît à travers le monde; plusieurs pays en font une activité économique légale sans tenir compte des conséquences particulièrement néfastes qui pourraient en découler. Pendant que des pays en quête d’une économie croissante légalisent le tourisme sexuel, d’autres pays le pénalisent ou essayent de l’encadrer.
En général, le tourisme sexuel se présente sous 3 formes. Il y a la prostitution classique, les voyages sexuels organisés et le pseudo copinage. La prostitution classique se caractérise par le fait que les femmes, les hommes et les enfants désireux de vendre leurs charmes se rendent dans des lieux fréquentés par les touristes (restaurants, boîte de nuits, hôtels ou tout simplement sur les trottoirs) pour attendre ceux et celles qui voudront bien se laisser tenter par leurs offres. Les voyages sexuels sont eux régis par des agences qui proposent à leurs clients des destinations qui leur permettraient d’accomplir leurs fantasmes, de découvrir des plaisirs sexuels et d’assouvir leurs pulsions les plus viles. Le pseudo copinage (les jineteros(ras) ou pingueros très répandus en République Dominicaine et à Cuba) s’explique par le fait que les touristes recherchent des cavalier(e)s ou des accompagnateurs(trices) le temps de leur séjour. Prétextant souvent d’être des interprètes (cas rencontrés en Haïti), ils sortent ensemble en boîte de nuit, vont au restaurant, à des soirées mondaines ou assistent à des spectacles. Ils ne sont pas facilement identifiables car lorsqu’on les rencontre on croirait qu’il s’agit d’un groupe d’amis, ou de couples. En retour de toutes ces sorties, les « jineteros(ras) » offrent du sexe aux touristes. Généralement, ce sont des étudiant(e)s et ou des chômeurs soit en quête d’argent pour survivre et aider leur famille, soit désireux de rentrer dans un milieu et se payer du bon temps. Mais la première forme est plus connue. Le tourisme sexuel constitue un secteur important dans la configuration des voyages contemporains et ses formes varient en fonction des régions et des cultures. Que ce soit en République Dominicaine ou en Haïti, les trois formes mentionnées tantôt sont très répandues.
La République Dominicaine est devenue en quelques années la première destination touristique dans les Caraïbes. Cette position, très avantageuse pour son économie est une arme à double tranchant car, même si elle n’est pas une destination sexuelle, le développement du tourisme fait croître le taux de prostitution du pays. Que ce soit à Boca Chica ou à Sosua, on retrouve beaucoup de prostituées guettant les étrangers.
Le film de Laurent Cantet «Vers le sud »; emmené par un duo d’actrices, Charlotte Rampling et Karen Young, raconte l’histoire de deux Américaines venues en vacances à Port-au-Prince, pour découvrir la tendresse haïtienne dans les 1980. Ce long-métrage nous montre que le tourisme sexuel n’a rien de nouveau en Haïti.
Depuis des années, avec l’augmentation des missions étrangères, les dispositions d’accueil et la misère des familles, vendre son corps au plus offrant est devenu une activité rentable, particulièrement chez les jeunes des périphéries urbaines. Les trottoirs devant certains hôtels, boîtes de nuit et bars sont parfois occupés par des travailleurs du sexe, guettant les passants et surtout les visiteurs à la peau claire avec un accent étranger.
En analysant, l’industrie sexuelle en Haïti, on est tenté d’ajouter au tourisme sexuel une autre forme, la résidence sexuelle. La résidence sexuelle, se caractérise par le fait que beaucoup de jeunes femmes et de jeunes hommes désireux de quitter le pays, des fois contre rémunération et/ou contre service sexuel, se marient avec des étrangers, (bien souvent des inconnus qu’un ami ou un membre de leur famille leur envoie) pour quitter le pays. Cette technique existe depuis longtemps et devient plus répandue surtout avec la présence des forces étrangères dans le pays
Peu importe la forme du tourisme sexuel dans un pays, le point le plus terrifiant est l’utilisation des mineurs. En Haïti, des enfants sont bien souvent utilisés comme objet sexuel ou source de revenu. Des familles se trouvant dans la misère, offrent leurs enfants à des adultes mieux pourvus financièrement ou à des étrangers. Ces familles proposent le corps et la virginité de leurs progénitures pour pouvoir manger, payer leur loyer ou tout simplement s’entretenir et mener la belle vie. Ces enfants en sorte assez souvent victimes de ce genre de compromis et les conséquences sur leur santé et leur état mental sont souvent néfastes. On préfère mentionner ces histoires de prostitution tout bas mais l’ex-commissaire du gouvernement Jean Renel Sénatus, à bien voulu s’y attaquer en se lançant à la poursuite des jeunes qui se livraient à la prostitution ou que les parents forçaient à pratiquer. La chasse au pédophile connu par ici sous le nom de « zokiki » a conduit à l’arrestation de plusieurs personnes et des gardes à vues de mineurs et de certains parents.
De nombreux facteurs d’ordre économiques, sociaux, culturels, politiques et juridiques sont à l’origine du tourisme sexuel. Les causes les plus fréquentes sont : la pauvreté, la défaillance des systèmes éducatifs et judiciaires, la discrimination sexuelle, la dégradation de l’image de la femme sur fond de violence sexuelle généralisée et banalisée à travers des publicités et les tubes des groupes musicaux, la disparition des tabous culturels, l’explosion du tourisme international ainsi que le maintien d’une culture traditionnelle patriarcale et sexiste rendant les femmes particulièrement vulnérables et conduisant à une institutionnalisation de l’exploitation des femmes pour le tourisme sexuel.
Autant que cette pratique rapporte à l’économie d’un pays, autant elle peut être néfaste pour une société. Parmi les conséquences du tourisme sexuel on peut relever : la perte de dignité, la défaillance de la santé mentale ou physique, la forte possibilité d’être initié à la drogue, la perte d’estime de soi et de confiance. De plus, il contribue de façon significative à la transmission des infections transmises sexuellement dont le VIH/sida sans compter le fait que le tourisme sexuel cache souvent le trafic d’êtres humains.
Bien des pays légalisent ou tolèrent le tourisme sexuel. Toutefois, en République Dominicaine, même si il n’y a pas d’interdiction pour les jeunes hommes et les jeunes femmes de faire du commerce de charme, les abus physiques, psychologiques ou sexuels contre des mineurs sont passibles de 2 à 5 ans de prison. Les violations sexuelles sur mineurs sont passibles de 10 à 20 ans de prison. Bien qu’ils en profitent, les autorités dominicaines font quand même des efforts pour freiner le tourisme sexuel. En octobre 2010, une importante réunion a été organisée entre le ministère du Tourisme dominicain et l’UNICEF pour se pencher sur la question, particulièrement en ce qui concerne les enfants et les adolescents. Malheureusement, en Haïti, il n’existe aucune loi contre le tourisme sexuel. Toutefois, certaines personnes et groupes de la société haïtienne luttent contre le commerce sexuel et le dénoncent.
Le tourisme sexuel étant une activité prospère, beaucoup ont tendance à croire qu’il faut le structurer et le légaliser. La plupart des gens penchant pour cette option ont également tendance à croire que ceci permettra aux prostitué(e)s d’aider leur famille et leurs enfants grâce à l’argent que cette activité leur permettrait de gagner. Ce qui est faux dans la majorité des cas car, le plus souvent l’argent payé par le tourisme pour le service sexuel va en fin de compte dans les poches d’un intermédiaire (une agence ou une personne) ayant mis le touriste en contact avec la personne prostituée. L’industrie du sexe engendre d’importants bénéfices, le plus souvent 5 à 6 fois supérieurs à ceux de la drogue. Toutefois, il est juste de lutter pour contenir le développement de cette activité car non seulement elle a pour corollaire la pédophilie et laisse une porte ouverte sur le trafic humain et certaines fois, le commerce de la drogue.
L’avenir du tourisme sexuel à l’échelle mondial n’est pas rassurant. La demande reste croissante pour les relations sexuelles et les exploitations sur le marché de l’industrie sexuelle. Réduire le taux des touristes sexuels est un combat très dur à mener, vu que ce phénomène est inévitable. Cependant, une législation en ce sens (ce qui manque gravement en Haïti) peut viser à le contenir. Frapper ce secteur d’interdiction, comme on l’a fait tantôt, revient à se boucher les yeux devant la réalité et donne même plus de force au mouvement pour son exploitation informelle. Les bordels devraient payer des taxes normalement, les travailleuses du sexe devraient payer un permis de fonctionner, la pédophilie devrait être sanctionnée. L’idée est de réglementer l’industrie du sexe mais pas de la favoriser.
Karina Danielle Nazaire