C’est bien connu. Chaque année, il y a des événements qui reviennent. Certains, comme le carnaval, sont prévisibles et créent la liesse autour de nous. D’autres comme les pénuries d’essence, plutot inattendus qu’imprévisibles, provoquent de la grogne, de la colère ou de la frustration (comme si on n’en avait pas assez). Une fois encore, la pénurie est arrivée sans crier gare…seulement pour nous, bien sur. Il serait absurde de croire que nos dirigeants ont été aussi surpris par la rareté sur le marché; ils ont les contacts avec les bateaux de transports de gazoline, ils connaissent nos réserves, ils possèdent les informations sur la fréquence de la demande, bref, ils ont les outils pour prévoir et s’assurer que notre quotidien ne soit pas perturbé par une pénurie inopinée mais malgré tout c’est l’exact contraire qui se produit. Et ceci chaque année, à croire que nos dirigeants ne retiennent aucune leçon des années précédentes.
Le fonds Petrocaribe a permis à l’état Haitien de receuillir 800 millions de dollars; une grande partie a été alloué à la construction du complexe administratif au centre ville
et à de grands projets d’infrastructure comme la construction de deux échangeurs autoroutiers sur la route de Delmas. Initiative tout à fait louable mais il appert que malgré notre conscience de notre faible capacité de réserves d’essence, il ait fallu attendre une autre pénurie pour envisager d’augmenter nos réservoirs. D’un autre coté, on se demanderait s’il s’agit d’une stratégie pour servir les intérêts pervers de quelques-uns. Loin de moi de porter de fausses accusations sur des professionnelles qui croient faire leur travail mais ne nous le cachons pas; cette pénurie en profite à une minorité.
Le marché noir en fait ses choux gras aujourd’hui; le prix de la gazoline est deux fois plus cher maintenant et d’ici à la fin de la semaine, on peut s’attendre à trouver ce produit tout simplement aux enchères. Avez-vous pensé aux répercussions d’un tel événement? Imaginez le type qui doit conduire quelqu’un à l’hopital faisant face à ce problème! Certes, on prend un cas particulier mais il peut etre multiplié dans différents contextes et décrire le lot de bon nombre de foyers, entravé par cette rareté. Et qu’en est-il des entreprises ? Surtout des PME car elles sont plus sensibles aux aléas du marché. Si une PME ne dispose pas d’énergie électrique en ce moment, elle ne pourra meme pas compter sur sa génératrice. Il devrait s’acheter un inverter diriez-vous et voilà que surgit la problématique des couts d’exploitation trop élevés. Certains se facheront quand des représentants étrangers lanceront « Haiti is not yet open for business » mais vu la montagne érigée par l’accumulation de nos contraintes, bien qu’optimistes, on constate que nous sommes loin de la coupe aux lèvres.
Si on pense réellement à accéder au statut de pays émergent en 2030, si on aspire à ouvrir Haiti aux affaires, il va falloir accorder plus d’attentions aux détails et avoir un meilleur controle sur les produits de première nécessité comme celui ci. Ainsi, on ne sera pas à la merci d’une cargaison d’essence en retard provenant d’un autre pays. Deux états d’esprits différents faisant le distingo entre une attitude sérieuse et une propension à s’en laver les mains. Nos responsables n’ont pas adressé de note d’excuses à la population jusqu’à présent. La faute sans doute est aux étrangers qui nous donne du retard. Ou nos réservoirs pas assez gros.