Avons-nous vraiment pensé à nous pencher sur la question « comment relever le niveau d’emploi de Haïti »? Avons-nous pensé aux paramètres qui peuvent nuire à l’élan de création d’emploi ? Loin de toutes les prévisions sur la variable « emploi » en Haïti, cela, qu’importe leur source, qu’elles soient pessimistes ou optimistes, nous entendons par cet article porter analystes, observateurs, décideurs et le grand public à se pencher sur le fond des choses pour une meilleure appropriation du cas de notre pays. Aucune prétention de dicter les politiques publiques n’y est comprise; toutefois, notre exploration de l’univers de l’actif humain en Haïti et de son utilisation dans le cadre de la production de richesse dans la société peut être révélatrice et porter à concevoir et décider mieux.
Inventaire de l’emploi en Haiti
Avec une population très jeune, Haiti assiste à la dévalorisation de son potentiel de capital Humain. Cette population oscille entre le chômage et sous-emploi. Entendons par sous-emploi l’utilisation d’une ressources productive à un niveau inférieur à sa pleine capacité. Et, est chômage inactivité forcée de la main-d’oeuvre. La population utilisée en main-d’œuvre étant au cœur même de toute activité débouchant sur le progrès économique, on peut comprendre combien grand est le retard accusé par l’économie Haitienne à tirer profit de l’emploi de sa population dans le développement économique à laquelle elle aspire. Mise à part le sous-emploi qui absorbe la majorité de la main-d’œuvre Haitienne, la qualité du travail que peut fournir celle-ci et sa capacité contributive à l’accroissement du PIB et à l’accumulation du capital dans l’économie – non seulement au niveau de sa qualification mais aussi niveau de son organisation – pose un sérieux problème. N’est-ce pas l’une des raisons qui expliquent la forte présence de l’emploi informel dans l’économie et la poussée massive de la main-d’œuvre vers les strates du secteur tertiaire requérant des compétences moins exercées ? Notons, en effet, que la prédominance de l’emploi informel et le cadre de l’informel en Haiti lui-même est sujet de l’entretien de la pauvreté et des inégalités discordantes.
Prenons les statistiques pour appuyer notre constat de la situation de l’emploi en Haiti, cela, dans une logique historique des publications officielles de statistiques de l’IHSI, institution préposée à ce genre de travail. Quoique non abondantes, elles peuvent renseigner sur l’étendue du problème que nous tentons de mettre en évidence.
L’emploi en Haiti est essentiellement du travail indépendant. L’ECVH- 2001, premier volume, fait état de 78.3% de la population active occupée à mener ce type d’activité dans sa publication de 2003. On relève 85.7% de travail à compte propre en milieu rural et 70.9% en milieu urbain dont une forte proportion par des femmes. Il est fait mention de ces informations capables de donner une idée générale de la structure de l’emploi : 2.8% des actifs occupés sont employés dans le secteur public, 77.4% en auto-emploi et 11% dans les entreprises hors familiales. 27.4% de la population est privé d’emploi, à la recherche et disponible pour un emploi dont 45.5 % dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince et 28.2% dans les villes de province. Il est à remarquer que le taux de chômage juvenile est écrasant : 61.9% de la population de 15-19 ans et 50% de celle de 20-24 ans. Cette situation n’a pas évolué positivement puisque dans le deuxième volume de L’ECVH paru en 2005, le taux de chômage des jeunes de 15-24 ans dans les milieux urbains en Haiti était de 70.6%, soit 2.4 fois plus celui des 25 ans et plus. Le même scénario s’est produit dans le cadre de l’EEEI. Ce qui permet de constater que les jeunes font beaucoup de pression sur le système d’emploi en Haiti en vue de leur insertion et, aussi, que le taux de chômage en Haiti évolue inversement par rapport aux tranches d’âge.
Du travail indépendant à l’emploi informel
Il est à noter que l’emploi informel n’est qu’une composante du travail indépendant. En d’autres termes, tout travail indépendant ne relève pas de l’informel. Les patrons en sont exclus ainsi que tout entrepreneur enregistré ou activité exercée par une tierce personne à son propre compte reconnue par l’État. Dans les années 90, les travailleurs indépendants représentaient 68.5% des emplois informels en Haiti; statistiques expliquant l’abondance de la main-d’œuvre d’Haiti dans l’emploi informel. L’EEEI, de parution récente (2010) sur Haiti, fait état de 57.1% d’emplois informels en Haiti (au sens du CIST) avec 81% de l’emploi total de la zone métropolitaine dans cette catégorie. La publication officielle note que, à l’échelle nationale, les emplois issus des établissements privés formels ne comptent que pour 1.9% de l’emploi total ( 6.1% dans la zone métropolitaine). Un peu plus dans le passé, l’ECVH- 2001 (volume 2) rapporte que moins de 1% de la main-d’œuvre se trouve dans le patronat – un poids assez marginal dans le nombre des travailleurs indépendants.
Spécialisation de la main d’œuvre dans un secteur d’activité spécifique
Les statistiques sur l’emploi en général sont unanimes à montrer que la main-d’œuvre en Haiti se spécialise dans le secteur tertiaire, plus particulièrement dans le commerce en gros et détails. Ces activités soint passées de 31% en 1986-87 à 41% des emplois en 1999-2000 alors que la branche des industries manufacturières accuse un recul allant de 22.9 à 16.2% des emplois. Ce qui nous permet de voir qu’Haiti est en en train de vivre un processus de tertiarisation plutôt que d’industrialisation (IHSI dans ECVH, 2005). L’ECVH-2001 souligne à ce propos que 4 actifs occupés sur 10 travaillent dans le tertiaire.