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L’histoire de la E-power en réponse au Nouvelliste et à son éditorial du 23 Août 2013.

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Le 13 Novembre 2006, nous soumettions notre offre.  Quatre mois plus tard, nous étions déclarés adjudicataires.  Il nous aura fallu plus d’un an de négociations pour signer un contrat d’achat d’électricité et une convention d’établissement qui soient bancables.  Jusque là, Citibank avec une garantie OPIC (Office of Private Investment Corporation) avait en principe accepté de financer notre projet.  En Juillet 2008 cependant, la crise financière internationale frappait fort et Citibank était en difficulté.

Pour éviter d’être laissés pour compte, rapidement, nous contactions la Société Financière Internationale (SFI).  Le même mois, un officiel de la BID écrivait à OPIC pour lui dire, à tort, qu’Haïti était en faillite et qu’essentiellement nos contrats n’avaient aucune valeur.

Peu importe, qu’Haïti ne fut pas en faillite, qu’elle n’eut jamais manqué à ses engagements.    Même lorsqu’à notre initiative, la BID présentait des excuses pour cette déclaration scandaleuse, les dégâts étaient déjà et irrémédiablement faits et la confiance d’OPIC en notre capacité d’exécuter le projet était irréversiblement compromise.

Le 14 Août 2008, ce qui devait arriver arriva quand Citibank et Opic se retiraient officiellement de la transaction.  Un jour plus tard, nous entreprenions des négociations avec une flopée de banques de développement incluant notamment FMO, la banque néerlandaise.

Une semaine plus tard, comme si rien de pire ne pouvait nous arriver, Hyundai Heavy Industries,  (HHI) que nous avions choisi sur concours pour construire la Centrale, nous menaçait de nous enlever de leur programme de production et d’augmenter leur prix de 7% si nous ne leur transférions pas immédiatement une avance non remboursable de démarrage de $4 millions.

Sans financement et sans le support de Basic Energy, nous avons pris le risque calculé de payer 80% de l’avoir des actionnaires haïtiens de l’époque à HHI, alors que nous n’avions même pas la garantie d’obtenir le financement, donc de compléter l’usine.  Nous avons également pris le risque de construire une usine de 57 millions de dollars, alors que les prix cotés à l’Etat lorsque nous participions à l’appel d’offres étaient vieux de 3 ans.  Ces prix étaient par conséquent « coulés dans le béton », quelque soit le coût final de réalisation.  À un moment où tout semblait se liguer contre notre pays, les promoteurs du projet ont été des entrepreneurs audacieux, prêts à prendre des risques hors du commun et à parier avec foi sur l’avenir d’Haïti.

Nous pensons que M. Duval aurait pu éviter de faire l’amalgame malheureux entre ces investisseurs et ceux qu’il décrit comme étant des profiteurs soucieux de partager le dernier repas du mourant affamé.

Bref, une semaine plus tard, PROPARCO, la Banque Française de développement se retirait.  En Novembre de la même année, CIFI (Corporación Intermaricana para el Financiamiento de Infraestructura S.A.) et la Banque Interaméricaine de développement se retiraient elles aussi.

En Avril 2009, Basic Energy commençait à montrer des signes de fatigue et manifestait son intention de se retirer de la transaction.  Une semaine plus tard, sur le conseil de Hyundai Heavy Industries, nous rentions en contact avec Korea East West Power Company (EWP) pour évaluer leur intérêt dans notre projet et leur désir d’investir en Haïti.

Rapidement, EWP dépêchait 2 émissaires pour faire leur due diligence, ces vérifications préalables à une opération financière.  Alors qu’ils atterrissaient en Haïti, une des banques locales avec laquelle ils avaient un rendez-vous, se retirait.  Le 15 Mai 2009, Basic Energy se retirait  officiellement.

Sentant que nous étions évidemment en difficulté :

$1-          Basic s’était retiré

$1-          2 banques internationales de développement avaient déjà dit non,

$1-          Une des trois banques locales s’était retirée

la SFI nous lançait un ultimatum clair : 45 jours pour compléter notre capital, signer un contrat d’opération et d’entretien avec un opérateur de renom, trouver $12 millions de capital localement, lever $8 millions d’obligations locales ou, elle se retirerait elle aussi de la transaction.

Bref, pour résumer une très longue histoire, nous nous sommes mis au travail et grâce au Bon Dieu, en 44 jours, un jour avant l’expiration de l’ultimatum de la SFI, nous étions à Séoul pour clore les négociations avec EWP.   Nous avions un engagement signé de la Sogebank pour $12 millions de financement à long-terme et  nous avions des engagements de différents investisseurs locaux pour $8 millions d’obligations.

En Juillet 2009, une opération de $50 millions syndiquée par la SFI, FMO (la banque Néerlandaise de Développement) et la Sogebank était réalisée.  Le montage de l’opération était assez simple.  Des investisseurs Haïtiens détenaient 60% du capital et la totalité des obligations.  Le représentant de Hyundai Heavy Industries détenait 10% du capital. EWP était propriétaire de 30% des actions et était d’accord d’opérer et d’entretenir l’usine.  La SFI, FMO et Sogebank venaient avec $50 millions de financement.  Selon les termes de l’appel d’offres international, le Gouvernement Haïtien avait signé un contrat d’achat d’électricité sur 15 ans, une convention d’établissement, une garantie souveraine et ouvrait une lettre de crédit de 13 millions de dollars pour garantir que les paiements de EDH seraient faits à temps.

Pour ceux qui ne le savent pas encore, notre associé Coréen, Korea East West Power Company est une filiale de KEPCO, la compagnie électrique de Corée.  Elle produit 9,500 MW, génère 5 milliards de dollars de ventes par an, a plus de 40 ans d’expérience dans la production d’électricité et a une notation de crédit qui a souvent été supérieure à celle de la Corée du Sud elle même (S&P : A- et Moody’s : A2)

Le 1er Juillet 2009, après consultation avec Hyundai, nous engagions DECCO Ltd, une firme Coréenne d’ingénierie de bonne réputation et nous lui confions la construction de notre usine.  3 mois plus tard, ils étaient en Haïti et les travaux commençaient.  A la fin de l’année, notre mur de clôture était terminé, notre remblais aussi.  Le battage des pieux allait commencer quand tout à coup, la terre s’est mise à trembler…