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Les robots, une grande menace pour la sous-traitance en Haïti.

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Robot de Softwear Automation

Selon le Forum économique mondial (WEF), 5 millions d’emplois vont être détruits dans le monde d’ici à 2020, notamment à cause de l’automatisation de l’industrie. Malgré sa faible application en Haïti, le pays ne sera pas pour autant épargné par les bouleversements économiques qu’elle provoquera.

Dans une étude d’envergure intitulée « le future de l’emploi », le WEF, organisateur du sommet Davos, estime que la 4e révolution industrielle, qui inclut « les développements en matière d’intelligence artificielle, de robotique, de Nano technologie, d’impression 3D, de génétique et de biotechnologie », va détruire 7,1 millions d’emplois en 5 ans et n’en créer que 2,1 millions dans les pays industrialisés.

Pourquoi cela représenterait-il une menace pour Haïti ?

En premier lieu, les Haïtiens de la diaspora seront les premiers à être affectés par les pertes d’emplois liées à la 4e révolution industrielle. Selon les informations du bureau du recensement américain, 61 % des Haïtiens travaillant aux États-Unis évoluent dans l’une des industries qui seront touchées. La perte d’emploi dans la communauté haïtienne affectera sensiblement les transferts de devises à Haïti ; comme, en 2009, quand les transferts de la Diaspora avaient diminué de 14 millions de dollars à cause de la récession mondiale de 2008.

Faisons un petit détour sur l’importance de nos besoins en dollars pour comprendre la gravité de cette menace.

L’apport de devise étrangère est à la base de tout développement économique, la Chine et notre voisin dominicain en sont des exemples parfaits. Haïti aura besoin d’un apport substantiel et continu de devise étrangère pour croître. En somme, il nous faut plus d’investissement direct étranger et exporter beaucoup plus. En 2014, nous avions exporté seulement 1,65 milliard de dollars de produits et services alors que nous importions pour plus de 3 milliards. Sans les apports de la Diaspora et le support de la communauté internationale, nous n’arriverions pas à subvenir à nos besoins.

Où trouver ses devises ?

En 2009, la commission sur la compétitivité du gouvernement Préval avait identifié cinq secteurs économiques prioritaires capables de générer des dollars : les fruits et tubercules, l’élevage, le tourisme, l’externalisation de services et la manufacture. Représentant à eux seuls plus de 60 % des exportations haïtiennes, l’externalisation de service et la manufacture, risqueraient de perdre en importance à cause de l’introduction de la robotique et de l’automatisation dans les pays développés.

En 2008, M. Bernard Fils-Aimé, président de l’Amcham à l’époque, attribuait l’attractivité d’Haïti à “sa main d’œuvre abondante et compétitive au niveau salarial”. Huit ans après, la main-d’œuvre “low-cost” ne représente plus un avantage compétitif significatif pour des pays comme Haïti puisque l’ensemble des pays industrialisés se lancent dans une course vers l’automatisation.

Aux États-Unis par exemple, dans l’industrie du textile, la compagnie Soft Wear Automation, qui a reçu une subvention de 2 milliards de dollars de Wal-Mart, a développé une technologie-robot pour automatiser la couture, en réduisant considérablement les coûts de fabrication. Leur objectif tout comme celui de Wal-Mart est de faire revenir les emplois du textile aux États-Unis. En effet, la délocalisation dans l’industrie du textile a causé la perte de millions d’emplois américains. En 1960, 95 % des vêtements vendus aux États-Unis étaient fabriqués sur place. Aujourd’hui, seulement 2 % des vêtements achetés aux États-Unis sont « Made In USA.

Les géants asiatiques, eux aussi suivent la tendance, le gouvernement sud-coréen a accordé plusieurs millions de dollars à Samsung pour développer une usine composée de robots capables d’effectuer des tâches complexes normalement réservées aux doigts agiles humains. Cette démarche vise à rendre la Corée du Sud compétitive par rapport aux pays « low-cost ».

L’industrie de l’externalisation des services encore connus sur le nom anglais de « business procession outsourcing » (BPO), une industrie naissante en Haïti, risque de ne jamais atteindre son potentiel à cause du « robotic prossesing automation »(RPA).

Le (RPA) est une application technologique qui permet aux entreprises de configurer des logiciels intelligents ou un « robot » pour capturer et interpréter les applications existantes, traiter une transaction, manipuler des données ou communiquer avec d’autres systèmes numériques.

Le RPA représente un concurrent potentiel à tout accord de sous-traitance qui implique des processus d’affaires (BPO) . Surtout quand on considère qu’un robot logiciel coûterait environ un neuvième de ce que coûterait une personne travaillant à temps plein.

Les années d‘instabilité politique, le manque d’investissements dans l’éducation ont fait d’Haïti, un pays pauvre, avec une main-d’œuvre, certes, abondante et à bon marché, mais peu qualifiée. Haïti est donc un pays très peu préparé à faire face à l’économie de demain qui sera essentiellement dominé par les robots et l’automatisation.
Alors que nous perdons notre temps sur des questions politiques non liées au développement économique du pays. l‘écart entre Haïti et les autres nations se creuse de plus en plus et nous risquons de perdre l’ensemble de nos avantages compétitifs et comparatifs. 
L’essor d’industries comme le textile qui ont généré des millions d’emplois à travers le monde risquent de ne jamais se concretiser en Haiti, si les associations patronales, spécialement l’ADIH et les syndicats ne mettent pas leur poids dans la balance pour s’assurer que les réformes economiques promis par les gourvernements Préval et Martelly, se realisent aujourd’hui.