« En affaires, il n’y a pas de sentiment ». Telle est l’expression populaire qui résume l’idée de répulsion naturelle qui existe entre l’argent et liens affectifs comme l’amour ou l’amitié. Qui ne s’est jamais retrouvé dans l’embarrassante situation de réclamer de l’argent à un ami mauvais prêteur ? Qui ne se sent pas gêné de négocier le juste prix quand jailli l’expression incisive,« tu pourrais faire une réduction pour ton vieil ami quand même » ? Dans les deux cas, l’option la plus facile est de complaire à l’autre. On préfère, fort souvent, perdre de l’argent plutôt que d’altérer des relations amicales. Vu sous cet angle, si tous ces meilleurs clients sont des amis, on court certainement à la faillite.
Aussi, loin, que l’on puisse remonter, l’argent et l’amitié n’ont jamais fait bon ménage et, jusqu’à présent, on n’arrive toujours pas à les concilier. Lorsque l’on cherche à comprendre pourquoi on aboutit à la conclusion suivante : la rationalité qu’exige l’utilisation du premier s’oppose à la psycho affectivité découlant du second.
Pourtant, les deux interviennent simultanément dans la construction de toute société moderne. Dès son plus jeune âge, les parents apprennent à leurs enfants les rudiments de la gestion de la monnaie tout en veillant à ce qu’ils se fassent de « bons amis», ce comportement confirme l’idée qu’aucune société n’existerait sans liens sociaux et qu’aucune ne survivrait sans argent. Or, si l’on en croit Georges Simmel, philosophe et sociologue allemand, la monnaie dissout les liens sociaux et conduit vers une société fondée sur la rationalité pure. Deux idéologies totalement opposées, dont l’explication de ces concepts-clés, c’est-à-dire argent et amitié, nous permettra de voir l’interaction de l’un sur l’autre.
L’économiste Walras définit l’argent comme un élément neutre qui prend la valeur d’un bien échangeable afin de faciliter une transaction dans le cadre du jeu de la satisfaction des besoins. En d’autres termes, l’argent n’a de valeur que, lorsqu’il permet de répondre à nos besoins matériels. Lorsque ces derniers ne sont pas comblés, l’individu nourrit un sentiment de frustration et jette parfois le blâme sur les gens pour qui, il s’est sacrifié, notamment sur ses amis. Il s’avère qu’effacer les dettes d’un ami au détriment de nos besoins peut aussi bien altérer la relation avec lui à la longue. Il n’existera plus ce désir de support mutuel l’un envers l’autre.
Quant à l’amitié, une définition simple serait « une inclination réciproque entre des personnes n’appartenant pas à la même famille ou un lien particulier les unissant de façon inconditionnelle ». Parmi ses symboles, on retrouve la compréhension, le partage, la solidarité, la sincérité et la fidélité. En général, on s’attend que nos amis respectent leurs promesses et qu’ils nous supportent dans l’adversité. De ce fait, on accorde beaucoup d’importance respect de la parole donnée vis-à-vis lorsque celui-ci s’engage à rembourser et on est prêt à le marquer à la culotte d’après ce principe. Ne s’intéresser qu’au recouvrement peut entraîner une rupture commerciale avec un client ou même détruire la possibilité d’un soutien matériel ultérieur d’un ami. Une telle prise de position peut gravement affecter la qualité de la relation et la briser au fil du temps.
Dans ce contexte « vaut mieux éviter de mêler les deux » avancent certains. Et pourtant, on peut concrètement concilier les deux en faisant preuve de tact. Voici donc quelques conseils qui permettraient de récupérer son argent tout en gardant son ami :
1. Être clair sur les conditions avant le prêt.
2. Lorsque survient le moment de recouvrir, ne jamais le faire en public ! Prendre un rendez-vous formel à cet effet.
3. Si l’ami fait savoir qu’il ne peut pas rembourser le moment venu, rester calme et l’ écouter. Le mettre à l’aise et lui montrer que l’on est compréhensif mais déterminé à recouvrir quand même.
4. Ne jamais lui prêter d’intentions négatives. Si on l’accuse d’avoir l’intention de ne pas rembourser, cela le fera réagir négativement et il sera sur la défensive. Le dialogue sera alors tendu et trouver une entente à l’amiable pourrait devenir difficile.
5. Mettre fin à la conversation de façon cordiale et lui rappeler la date prochaine du versement, tout en lui faisant comprendre que le véritable ami dont il est ne nous fera pas faux-bond.
Il se faut aussi se mettre en tête qu’il est probable que notre argent ne nous est pas retourné. Les entreprises, même avec des moyens de recouvrement musclés, passent des écritures pour créances douteuses. Prêter est un risque. Il varie suivant le degré d’amitié ou de confiance accordée à la personne. Il convient de toujours réserver un moment de réflexion afin d’envisager si le prêt nous conviendrait ou pas. Et surtout, il faut se préparer à l’éventualité de ne pas recouvrer notre argent.